Par-delà les montagnes
Les Monts d'Arrée sont le château d'eau de la Bretagne. D'ici jaillissent de nombreuses sources, de petits ruisseaux insaisissables qui font les grandes rivières. Les soirées d'hiver entre chien et loup, le lac de Brennilis au pied des monts est aussi vaste que mystérieux. On le dénomme également le Yeun Elez.
Ici, le silence est d'or. Aux confins du monde des vivants errent, dans le marais du Yeun Elez, les âmes des défunts, les Anaon. Une humide fraîcheur règne. Cette vaste dépression tourbeuse est considérée comme la porte de l'enfer. La végétation est rase, les signes de vie rares. Le paysage oscille entre les gammes de jaune savane, ocre et de vert passé. Blottis derrière les genêts et les ajoncs, se protègent du vent certainement quelques korrigans facétieux.
Des "particularités singulières"
Au sommet du Mont Saint-Michel de Brasparts, se tient, fidèle amer, la chapelle auréolée de nuées. De ses 381 mètres ou 3810 décimètres comme l'affirme, taquin, le conteur Patrick Ewen, il domine les crêtes des Monts d'Arrée. À moins que le Tuchenn Kador lui ravisse ce privilège avec ses 384 mètres. Mais désormais on parle même du Roc'h Ruz estimé à 385 mètres. Ah, ils sont nombreux ceux qui goguenards se gaussent de nos montagnes, et pourtant s'ils savaient ce qu'elles recèlent de ténébreux et de sacré, de lumières et de sortilèges. Jacques Cambry ne s'y est pas trompé qui note dans son carnet de route, en 1794, “j'avais le projet de visiter les montagnes d'Arès, dont on parle en Bretagne, comme des Alpes ou des Cordillères ; dont les mœurs, les usages offrent, dit-on des particularités singulières…”.
300 millions d'années
Plus on grimpe, et plus le vent se lève. Du sommet, sur les crêtes pommelées, la vue est remarquable, on distingue même la mer d'Iroise. Par temps clair, les montagnes noires, le Menez-Hom, les hauts de Locronan, la rade de Brest, la Manche et l'Atlantique réunis esquissent leur silhouette bleutée. Un tapis de bruyère et d'ajonc couvre les flancs de ces monts. En bas, les tourbières plongent, s'étiolent, jusqu'à s'éteindre une fois atteint le lac qui, au crépuscule, se pare de reflets cuivrés. Une montagne vieille de 300 millions d'années, voilà qui force le respect…