"La Bretagne était une excellente terre de démarrage pour Grain de Sail"
Jacques Barreau est le directeur général de Grain de Sail, l’entreprise morlaisienne de torréfaction de café et de fabrication de chocolat, dont les matières premières sont transportées par un voilier effectuant une traversée transatlantique. Une aventure maritime, respectueuse de l’environnement.
Quel parcours vous a mené ici, à Morlaix, à la tête de Grain de Sail ?
J’ai commencé dans l’ingénierie, le développement de projet, l’informatique et l’électronique, puis, j’ai eu la chance de pouvoir participer au développement de projets en contexte maritime, notamment les énergies marines et plus particulièrement l’éolien offshore. Ça a été des projets très gros mais extrêmement intéressants, dans les process de développement et dans la prise en compte de toutes les contraintes du maritime. Ce fut une très belle expérience, à Lorient, chez Nass&Wind. C’est suite à ça qu’on a décidé de monter Grain de Sail.
Comment est né Grain de Sail ?
Venant du maritime, on souhaitait développer une société en lien avec le maritime, sans savoir quoi au début d’ailleurs. On est en tout cas vite venu à l’idée de développer un moyen de transport décarboné, plutôt un cargo de type voilier qu’un cargo moderne évidemment. Ensuite, la question de savoir ce qu’on mettrait dedans s’est naturellement posée. On s’est dit que les produits plaisir, le café, le cacao, correspondaient bien à l’exportation ; mais comme il ne fallait pas que le bateau reparte à vide, on a cherché du côté des produits français un peu connus et on est tombé sur le vin. Puis, en tant que Bretons, quand on a regardé face à nous, on a vu New York, qui était pour nous une zone commerciale intéressante à exploiter sur ce circuit maritime qui consistait à apporter des vins à New York, puis descendre dans la zone Amérique centrale, Caraïbes, pour y charger des cafés verts et principalement du cacao, et revenir à Morlaix. C'est cette succession de réflexions qui a bâti le projet Grain de Sail.
Votre cargo est actuellement en cours de fabrication…
Oui ! Ce cargo, il intervient dans ce qu’on appelle la phase trois du projet. Nous avons démarré les cafés en 2013 et les chocolats en 2016. La société s’était correctement développée, ça nous a permis de démarrer la construction du voilier, fin 2018, ce qui est un rythme assez serré. Au début de l’entreprise, en 2012, nous avons créé notre propre bureau d’études et Clément David, architecte, est donc venu chez nous pendant 10 mois pour concevoir le navire. C’était un souhait dès le début de rester maître du design de notre bateau de manière à être certain que, fonctionnellement, ce premier navire cargo corresponde à nos attentes. Aujourd’hui, la construction est en cours, chez Alumarine, à Couëron (44).
Le bateau sera chargé de vins, de chocolat, d’épices et de café… Les produits Grain de Sail ont un lien très fort avec le plaisir…
Quand on a monté ce projet, on voulait une connotation maritime. Puis, on était conscient que monter une société, quelle qu’elle soit, c’est toujours très difficile, ça demande beaucoup d’engagements. Alors, on s’est dit que si en plus on pouvait y trouver du plaisir, ce serait encore mieux. On voulait des produits qui évoque le plaisir, la notion d’aventure, d’exotisme. C’est pour ça que les cafés, les cacaos, les épices, le rhum aussi dans quelques temps, se sont vite imposés. C'était pour nous une certitude ! Dans l'autre sens également, de très, très, très bons vins français, sélectionnés évidemment par nos soins, c'était également une volonté forte. Pouvoir faire connaître des vins d'exception aux New Yorkais, avec un bilan carbone optimisé.
Pourquoi avoir choisi de vous implanter à Morlaix ?
Morlaix est rapidement devenu une évidence pour nous. Il y avait déjà ce local dans lequel nous sommes aujourd'hui installé, très, très bien placé, au pied de l'écluse et à quelques mètres du futur quai de notre navire. Et, au delà de ça, Morlaix a une histoire maritime extrêmement intéressante, avec la Manufacture qui n’est pas loin, où à l'époque il y avait des voiliers cargo au sens réel qui venaient pour y décharger leur cargaison. Donc ce qu'on est en train de bâtir aujourd'hui au travers du projet Grain de Sail, c'est quelque part une remodernisation de ce qui se faisait déjà il y a quand même un bon paquet d'années... Tout cela, au delà du fait que Morlaix est une ville extrêmement sympathique, ça donne du sens et une certaine légitimité au projet. Mais plus que Morlaix, notre projet est né en Bretagne, une terre agro-alimentaire mais aussi tournée vers la mer, la Bretagne était une excellente terre de démarrage pour Grain de Sail.
La Bretagne est pour une terre d’entreprenariat ?
Oui, et notamment grâce aux aides dont nous avons pu bénéficier. De la part de Morlaix Communauté, qui nous a accompagné depuis le début. Nos locaux, nous les avons fait avec eux. Et de la part de la Région Bretagne également, notamment par les subventions attribuées pour acheter des machines de chocolaterie. Tout ça fait que la Bretagne est quand même une terre un peu business, mais moi je considère que le mot business n'est pas un gros mot. C'est, au contraire, une manière de développer de l'activité, de créer des emplois, de créer de la richesse, etc. La Bretagne est une super terre pour ça, c'était top, évidemment, de le faire ici.
Votre démarche à aussi un côté « aventurier » très fort…
Grain de Sail, c’est une aventure que nous vivons au quotidien, avant même que le bateau soit opérationnel, cette entreprise est une aventure. C’est un commerce plus vertueux pour la planète que nous créons. Les marins vont opérer un navire très différent d’un cargo classique, un voilier qui fonctionne à la voile exclusivement, 99,99% du temps. Alors oui, c’est une aventure… Les chargements, les déchargements… Mais tout cela reste très cadré, nous tenons vraiment à la notion de transport modernisé, dans le respect des règles. On est sur un voilier qui est sous la norme cargo, au sens strict, qui doit respecter beaucoup de contraintes qui sont les contraintes d’aujourd’hui pour tout cargo moderne. C’est une approche 2019 du transport maritime décarboné.
Et une approche d'avenir aussi...
Oui. Notre objectif dans ce projet c’était aussi de le faire à une échelle qui soit suffisante. On voulait absolument éviter de passer par une phase d’expérimentation, à petite échelle, qui finalement n’aurait pas démontré grand chose. C'est pour ça que dés le début, nous partons sur des tonnages significatifs, 35 tonnes dans la cale pour le premier voilier. Et la finalité de Grain de Sail, elle est évidemment de se développer bien au delà, parce que notre objectif est de bâtir des deux côtés de l'Atlantique, un réseau de transformation, de torréfaction et de chocolaterie, et de connecter tout ça à une flotte de voiliers cargos de taille croissante, jusqu'à une limite probablement de 35 à 40 mètres. On va les considérer comme des gros voiliers mais des petits cargos, et dans lequel il n'y aura toujours que des produits Grain de Sail. Ça, on y tient également absolument.
Quel est votre coin préféré en baie de Morlaix ?
J’aime bien nos locaux ! Mais il y a un petit spot que j’aime bien, 200 mètres plus loin, qui s'appelle le Tempo, un petit restaurant-bar super sympa. Ils font de la super qualité, c’est une adresse que je recommande à tous. Le Tempo !