"Une station, c'est une petite famille"
Les bénévoles de la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM) secourent, par “tous temps”, les vies humaines en danger, en mer et sur les côtes. Laurent Devavry, patron suppléant de la station du Conquet et logisticien au centre de formation et d'intervention de Brest, est chargé de l'antenne communication de la SNSM du Finistère : “ Ce n'est pas un travail, c'est une passion au service des autres à plein temps”.
Vous êtes responsable de l'antenne communication des Sauveteurs en mer SNSM du Finistère. Quelles sont vos missions ?
Le délégué départemental, le contre-amiral Frédéric Damlaimcourt, supervise l'ensemble des sauveteurs du Finistère. Il fait l'interface entre l'inspecteur de zone qui est au siège parisien, les stations et les centres de formation et d'intervention locaux. Au sein de l'équipe, j'anime l'antenne communication chargée du rayonnement de l'association dans le Finistère, à travers les relations publiques, les conférences dans les collèges et les lycées, les fêtes… Chaque station est indépendante pour organiser ses manifestations. L'antenne communication vient prêter main forte aux stations et aux deux centres de formation et d'intervention qui forment les nageurs-sauveteurs. J'ai une adjointe dans le Sud Finistère, Carine Baranger, à la station de Loctudy. Et pour ma part, je m'occupe plutôt du nord. L'antenne communication a été créée en 2001. Mon père en avait la charge, j'ai repris le flambeau en 2017. Ma première intervention de secours en mer, c'était avec lui. J'avais quinze ans.
Quelle est votre vision de la mer ? Que représente-t-elle pour vous ?
La mer, c'est comme la montagne. C'est un terrain de jeu dangereux. On peut se faire plaisir comme l'on peut se mettre en danger très rapidement si on ne prend pas les bonnes précautions. C'est un des derniers espaces de liberté, mais il faut toujours avoir à l'esprit que lorsque l'on part en mer, ce n'est jamais anodin. Quand j'étais jeune, j'ai fait de la planche à voile et du 420. Pendant vingt-huit ans, j'ai été marin de commerce sur toutes les mers du monde sauf les pôles.
On évoque souvent le Finistère comme terre de solidarité...
C'est justifié en effet. La SNSM compte 9030 bénévoles au total, dont 800 dans le Finistère. Sur les 214 stations, 29 sont finistériennes, soit plus de 10 % des stations. Quarante canots tous temps, les plus grosses unités de l'association, sont en service, dont dix à la pointe bretonne. Le Finistère a toujours été la porte d'entrée sur l'Europe. On a des traces de navigation qui remontent très loin dans le temps. Or, qui dit navigation dit accident, car on n'est jamais à l'abri des avaries.
Quelles sont les raisons, les motivations, qui poussent à donner de son temps pour aider les autres ?
En tant que marin, cela paraissait naturel de donner de son temps pour aider d'autres marins. C'est l'origine du sauvetage en mer. Mais on voit aujourd'hui parmi nos bénévoles des personnes qui viennent d'un peu partout et qui trouvent dans les missions de la SNSM un projet associatif intéressant. Pour ma part, j'ai été actif également auprès de l'association pour le don du sang et les Restos du Cœur. C'est toujours intéressant d'aider son prochain, c'est un esprit d'équipe, c'est un équipage. Une station, c'est une petite famille.
Avez-vous en mémoire un sauvetage qui vous a marqué ?
Il y a quelque temps, un kayakiste s'est mis à l'eau au Conquet. Il faisait très, très, chaud. Beau temps. Belle mer. Mais peu de visibilité. Et, contrairement à son habitude, il ne portait pas sa combinaison néoprène. Il était certes bien équipé d'un gilet, d'une combinaison plus légère, et de sa radio VHF. Mais lorsque son kayak s'est retourné, il s'est aperçu qu'il n'avait pas assez de flottabilité pour remonter sur son embarcation. Il est parti dans le courant. C'est sa VHF qui l'a sauvé. La vigie de Saint-Mathieu a entendu son appel à l'aide. Et les canots de sauvetage, de Camaret et du Conquet, une fois sur zone, ont pu le repérer ainsi. On l'a retrouvé très loin de son point de départ. Par la suite, cette personne est revenue nous voir pour nous remercier, ce qui est très rare. C'est toujours touchant. Nous avons pu discuter avec lui, ce qui était très intéressant.
Auriez-vous un message à transmettre ?
On insiste auprès des pratiquants de sports nautiques : il faut marquer son matériel. Quand on retrouve une voile abandonnée, on déclenche les secours : un canot, peut-être un hélicoptère, les pompiers sur la côte… Dans nos eaux, l'espérance de vie est assez courte. On n'est pas en Polynésie ! Il faut mettre le maximum de moyens tout de suite pour retrouver la personne rapidement. Il est donc important de noter sur sa voile, ou sur sa bouée pour les plongeurs, son nom et ses coordonnées téléphoniques. Et en cas de perte de matériel, il faut appeler le numéro d'urgence 196 afin de le signaler.
Quelles sont les qualités requises pour être bénévole à la SNSM ? Faut-il avoir été marin professionnel ?
Ce que l'on demande à un bénévole dans une station, c'est d'habiter pas trop loin du bateau, première qualité. Le délai d'appareillage, c'est 15 minutes. Et puis il faut avoir du temps, être disponible, pour participer à l'entretien du matériel, à la formation et à l'intervention. Pour quelqu'un qui n'a jamais navigué, ce sera évidemment plus compliqué. Mais une personne motivée peut se former en interne à la SNSM. C'est ouvert à tous. Les sauveteurs sont aujourd'hui d'origines socioprofessionnelles plus diversifiées. Quant aux centres de formation et d'intervention d'où sortent qualifiés les nageurs sauveteurs qui assurent la sécurité sur les plages l'été, il faut être sportif, à l'aise dans l'eau, la visite médicale est assez exigeante. Mais, si l'on résume, pour rentrer à la SNSM, il ne faut pas forcément être un grand marin, il faut surtout être passionné et avoir du temps.