"J’ai été éduqué dans la terre et j’ai été adopté dans la mer"
Nicolas Conraux, le chef étoilé du restaurant La Butte, à Plouider, offre une cuisine qui célèbre la Bretagne et le Finistère, sans oublier ses racines terriennes d'Alsace.
Quel est votre parcours ?
Un parcours qui est un peu atypique. J'ai étudié l'hôtellerie et la restauration. C’est quelque chose que je voulais faire depuis très petit. Par contre, j'ai travaillé très longtemps en salle et à la réception. J’ai toujours été un très grand passionné de cuisine mais je n’arrivais pas à entrer dans la cuisine car c'était un milieu qui me faisait très peur. C'était un milieu un peu rude, etc. Et en 2009 où 2010, après avoir racheté La Butte, je me suis lancé dans cette aventure en cuisine. J'y suis entré, j'ai appris et je suis devenu chef au fur et à mesure des années. C'est la cuisine qui m'a apprivoisé.
La Butte, qu’est-ce que c’est ?
La Butte c'est une très belle histoire familiale. L'histoire d'une dame, Jeanne-Yvonne Bécam qui était fermière et avait une exploitation agricole et qui a décidé, à 42 ans, de changer de vie et d'acheter un petit restaurant dans le bourg, à Plouider. L’aventure a commencé là en 1952. Cette histoire, elle est extraordinaire. Elle a commencé par la grand-mère, puis mes beaux parents, Hervé et Yvonne, qui ont racheté cet établissement en 1975, et proposaient des activités complètement diverses et variées, des bals, des repas de famille, du traiteur, ils étaient pension de famille, plein de choses en fait... Et toute cette histoire aura bientôt 70 ans. C'est une très belle aventure familiale et je la porte dans mon cœur. C’est mon moteur. J'ai tout de suite aimé et adopté cette entreprise.
Qu’est-ce qui a changé depuis les débuts de La Butte ?
La Butte je crois que c'est, avec toute humilité, un petit peu un écrin. Un lieu de bien être, une destination. Un endroit où nous avons envie d'accueillir et de faire passer à nos clients un moment agréable, qui représente le Finistère, la motivation d'une équipe et la bonté de notre région. C'est tout cela en même temps. C'est devenu un établissement varié puisque nous avons spa, un hôtel, deux restaurants. L’un qui a été étoilé au Michelin (NDLR : La Table de la Butte, étoilé au Guide Michelin depuis 2014) et un bistrot plus dans la simplicité mais qui est tout aussi important dans cet ensemble, et au travers des produits. C'est une entreprise qui avance et qui va encore avancer.
Quel est l’esprit de votre cuisine, sa philosophie ?
En cuisine, j'ai un esprit très partageur. Pour moi, c'est essentiel. J'ai commencé mon éducation en Alsace et j'ai appris aussi la cuisine en Alsace puisque j'ai été à l'école hôtelière de Strasbourg. J'ai une culture « très terre » de cette cuisine. Puis, la deuxième phase, elle s'est faite en Bretagne. J’ai adopté cette culture un peu « mer ». J’ai été éduqué dans la terre et j’ai été adopté dans la mer. On aime bien lier ces deux cuisines qui sont singulières.
C’est important de valoriser le terroir à travers les produits locaux ?
Nous n’en sommes pas conscients mais nous avons une chance inouïe en Bretagne et dans le Finistère, c’est d’avoir des producteurs et un climat doux qui nous permet d’avoir des légumes toute l’année. On a aussi des cultures de qualité, des producteurs qui travaillent la terre et font de très beaux produits. C'est tellement agréable de cuisiner un produit et de connaître le visage qu'il y a derrière ce produit. C'est une richesse. Je peux vous dire que je connais beaucoup de chefs qui sont jaloux car on a vraiment des produits exceptionnels, et ça, toute l'année. Et travailler avec ces producteurs là c'est une évidence, produire et travailler avec les gens qui sont autour de nous.
La proximité de la mer est aussi une richesse…
Bien sûr ! Moi je suis toujours en admiration devant ces pêcheurs qui sortent par tous les temps. Rien que de voir le métier que c'est, j'ai beaucoup de respect pour le poisson. D’autant que nous avons un poisson de qualité. Pour cela aussi, je crois qu'il y a des gens qui nous jalousent car nous avons du poisson frais tous les jours. Nous avons aussi une vraie richesse du côté des producteurs de viande, que ce soit la viande de porc, on a des cochons extrêmement beaux et bien faits dans le Finistère, des agneaux, des moutons, de la volaille. Nous avons vraiment beaucoup de producteurs qui ont pris un beau chemin avec de l'élevage raisonné, dans de belles conditions, pour une qualité de viande superbe.
Qu’est-ce que le bien manger pour vous ?
Le bien manger c'est un partage, c'est un moment. Le bien manger c'est partager un moment, déguster, discuter, commenter, échanger... C'est du plaisir, c'est du bien-être parce qu'on a de bons produits forcément.
Comment le territoire influence-t-il votre cuisine ?
La cuisine c'est une forme de création. Je peux être en train de courir au bord de la plage ou en train de marcher, voir une couleur, un paysage, et tout d'un coup je vais avoir un flash sur un plat et me dire « Ah tiens, j'ai envie de produire ce plat, que les couleurs ou le visuel soient un peu comme ça …». Comme un esprit d’artiste, c'est quelque chose qui vient comme ça, on ne sait pas comment, on est influencé par ce qui se passe autour, le paysage, les odeurs, le vent, la pluie... Il y a aussi une partie rencontre des producteurs qui nous font toujours rencontrer d’autres producteurs. Tout cela influe énormément sur notre cuisine parce que c'est grâce à ces rencontres que nous pouvons avoir de nouveaux produits dans les assiettes, de nouvelles idées, de nouvelles sensations, de nouveaux plats...
Quel est votre coin préféré en Finistère ?
Il y a un lieu que j'aime beaucoup, c’est le mont Saint-Michel de Braspart. C'est particulier, c'est un paysage qu'on ne retrouve pas ailleurs. Ce n’est pas la mer, ce n’est pas non plus la montagne... Il est mystérieux cet endroit, c'est un endroit où on se questionne, les paysages sont fantastiques. Ce lieu la, il m'anime, il y a quelque chose de magnétique là-dedans, ça m'anime beaucoup.