"La pointe de Pern, c'est comme être à la proue de son bateau mais tout en sécurité"
Ondine Morin, est marin pêcheur et guide conférencière. Fondatrice et dirigeante de Kalon-Eusa (Coeur d'Ouessant en breton), elle propose des visites thématiques sur l'île afin de faire découvrir le patrimoine culturel et naturel d'Ouessant.
Quel est votre parcours ?
Une fois les études faites, ma seule motivation a été de revenir travailler à Ouessant. Je me suis d’abord installée comme guide-conférencière, en 2008. Avant ça, j’ai suivi des études d’histoire de l’art et management touristique à La Rochelle.
Kalon-Eusa, c’est quoi ?
« Kalon-Eusa », ça se traduit par le « cœur d'Ouessant ». Je propose aux gens une immersion au cœur de notre patrimoine insulaire. Nous avons ici un patrimoine très riche et finalement peu connu parce qu'il n'y a pas forcément de bâti ou de choses à montrer, mais plutôt des choses qui restent dans les mémoires. Par exemple, j'ai une visite sur les contes et les légendes d'Ouessant, sur les naufrages, sur les traditions... La plus connue, je pense maintenant, est celle de l'allumage des phares à la nuit tombée. Mais il y en a aussi une sur les algues... J'ai une dizaine de thématiques pour que les gens puissent s'immerger dans le patrimoine de l'île, dans son histoire. Ils peuvent ensuite l’interpréter, en se baladant, avec ce qu'ils vont voir, ce qu'ils vont croiser au détour d'une grève, d'un rocher... « On raconte que là-bas... ». Tout le challenge est de donner vie à cette île grâce toutes les histoires que j'ai collectées et qu'on m'a racontées. Les histoires et la grande histoire aussi.
À quel public vous adressez-vous ?
Ce sont des personnes qui séjournent sur l’île parce que pour participer à une visite d’une heure, une heure et demi, sur une thématique bien précise il faut avoir du temps. Donc des gens qui restent là plusieurs jours, plusieurs nuits et qui veulent en savoir plus. Une fois la visite établie, ce qui est sympa c'est que souvent ils me demandent de participer à une autre. La thématique leur a plu mais ils désirent en savoir plus... Je peux donc avoir la même clientèle sur 5/6 ans, qui revient et qui essaie de faire tous les thèmes proposés. C'est vraiment extrêmement intéressant parce que ce sont de superbes rencontres.
Puis, c'est vrai que quand on habite sur une île, ça reste une île, un territoire en vase clos et le fait d'avoir des gens de l'extérieur qui viennent et qui désirent revenir, avec qui vous créez des liens, c'est ce que je recherche aussi pour rester vivre ici. Je suis comme une fenêtre pour eux, je leur ouvre, je leur offre une nouvelle vision de Ouessant... Ça créé aussi chez eux l'envie de voyager, pas forcément à Ouessant. Puis, durant ces petites conférences, il y a un tel échange avec le public, j'adapte aussi à ce qu'ils veulent le plus savoir parce que ça reste des visites en petit comité. Ces échanges finalement nous bouleversent, me bouleversent autant. Les visiteurs vont aussi s'intégrer dans la visite et parler de comment ça se passe chez eux ou ailleurs où ils sont allés en vacances. Il y a une interactivité et un apport culturel dans les deux sens qui est extrêmement enrichissant.
Pourquoi avoir voulu vous installer à Ouessant ?
Dans mon cas il y a un grand attachement à l'île puisque je suis native d'ici. C'est vrai qu'ayant passé mon enfance ici, une enfance extraordinaire, j'avais envie d'y revenir et de tenter le tout pour le tout pour rester et y travailler. Et pour travailler à Ouessant, il faut la plupart du temps, quand on veut travailler dans la branche dans laquelle on a fait ses études, créer son emploi. C'est ainsi que j'ai créé mon premier poste de guide-conférencière, en 2008. Mais c'est bien beau de vouloir travailler ici, créer son emploi, mais il faut aussi en vivre... Moi, j'ai trouvé une viabilité par l'activité de marin-pêcheur. En 2011, je suis allée à l'école de pêche pour être matelot et avec mon mari on a acheté un bateau de pêche. Car j'ai ramené mon mari ici aussi. C'est sympa aussi de travailler en couple, puis aujourd'hui d'avoir pu avoir un bébé ici, c'est le summum.
Vous êtes ambassadrice de la marque Tout commence en Finistère, qu’est-ce que cela représente pour vous ?
À Ouessant, on se sent quand même un peu seul, un peu isolé... Je suis toute seule à exercer, ici, en guide-conférencière. Donc ma première démarche a été d'adhérer à la marque et de créer comme ça une sorte de réseau et surtout de pouvoir grâce à eux garder une vision de l'extérieur. Alors même si ça reste le Finistère, pour nous, par rapport à Ouessant, c'est déjà le continent, c'est déjà en face, et c'est notre identité la plus forte. On est presque plus Finistériens que Bretons. Cela permet d'avoir des échanges, de voir ce qu'il se passe à l'extérieur... Ça permet aussi d'innover à Ouessant en prenant finalement tout ce qui vient du Finistère, du continent. C'était vraiment une volonté de mise en réseau, de garder cet œil extérieur.
Quel est votre coin préféré à Ouessant ?
Ce que j’aime beaucoup ici, c’est prendre de la hauteur. Il y a le point culminant de l’île qui est en haut du phare du Stiff. On y est à 95m au-dessus de la mer. Dominer Ouessant et se rendre compte que c'est une île, voir la mer de tous les côtés, c'est quand même assez génial. Le deuxième est à la pointe de Pern, sur un point culminant face à Saint-Pierre et Miquelon. J’ai l'impression d'être sur la proue de mon bateau mais tout en sécurité. À la pointe de Pern, c'est souvent lorsqu’il fait mauvais, c'est l'hiver, on a plus de temps, on vient en profiter. À Ouessant, on se sent en sécurité tout en étant aux premières loges du mauvais temps. Ça donne énormément d'énergie. C'est un vent d'ouest principalement, et ce vent d'ouest est plutôt doux. L'hiver, on se régénère de toute la saison touristique et ce vent d'ouest est aussi très bienfaisant.