"La Baie de Morlaix, c'est un petit nid"
Jean-Marie Jézéquel dirige les chantiers navals Jézéquel à Carantec et à Saint-Martin-des-Champs près de Morlaix. Une histoire de famille, une passion pour les bateaux en bois qui se transmet de génération en génération.
Quel est votre parcours ?
Il est relativement simple : c’est celui d’un petit garçon qui est né au bord de l’eau, qui a traîné ses pieds, ses sabots, dans le chantier naval familial, et qui est devenu amoureux des bateaux en bois, de la mer… J’ai eu un parcours classique à l'école. Après mon bac, j’ai fait une formation dans le bois et j’ai commencé à travailler avec mon père.
Les chantiers navals Jezequel, qu’est-ce que c’est ?
C’est une histoire qui a un siècle maintenant, une histoire de générations. C’est mon arrière-grand-père qui a commencé les chantiers, puis mon grand-père, mon père, maintenant moi… C’est un chantier qui construit des bateaux en bois depuis 100 ans bientôt et qui continue à en construire. On est un des derniers chantiers en France à construire des bateaux neufs en bois, c’est une réelle satisfaction.
On emploie de plus en plus de techniques modernes, mais on veut garder cet aspect "patrimoine" qui fait que nos constructions sont de qualité, toujours jolies à regarder, plaisantes à naviguer. On a travaillé avec de nombreux architectes mais on a toujours pu mettre notre petite touche personnelle dans la finition des bateaux.
On a par exemple des modèles comme le Cormoran, qui est un bateau issu de la baie de Morlaix. Ce n’est pas une monotypie (NDLR : les Cormorans ne suivent pas tous les mêmes plans) donc tous les bateaux ont des formes différentes, des matériaux différents… Tous les ans, on peut trouver des améliorations. Cette année, nous allons travailler sur un nouveau plan d’Olivier Jézéquel, mon oncle, qui continue à dessiner pour le plaisir. Tout reste toujours dans la famille : le dessin, la construction... Mais on a aussi travaillé avec d’autres architectes à l’époque.
Vos activités se partagent entre construction de bateaux neufs, restaurations, réparations et hivernage...
Exactement. Il y a encore 30 ou 40 ans, du temps de mon grand-père, on ne construisait que des bateaux neufs. Après, il y a eu un petit frein dans l'activité dû à l’essor des bateaux en plastique. Nous avons donc acheté ce bâtiment à Saint-Martin-des-Champs où l'on fait beaucoup d’hivernage, d'entretien, de restauration. La majeure partie des bateaux qu’on a ici sont des bateaux en bois. On continue à faire un, deux ou trois bateaux neufs par an. Enfin, on a plusieurs gros chantiers de restauration chaque année.
Combien de bateaux sont sorti des chantiers Jézéquel ?
Je dirais cent-cinquante, deux cents peut-être. Ce n’est pas énorme mais ce sont des bateaux qui restent. Ce n’est pas du consommable. Ce sont des bateaux qui ont 100 ans mais qui sont toujours en très bon état.
Pour cela, il faut un véritable savoir-faire...
Oui, tout à fait. C’est de la finition, de la justesse d’assemblage. Un travail de qualité sur des bateaux construits avec soin. Ils peuvent durer des centaines d’années. C’est comme des meubles, il suffit de les entretenir.
On a envie de garder ce savoir-faire et d’essayer de le partager au maximum pour que cela dure. Ce sont devenus des métiers rares, des métiers d'exception, et on sait que c’est précieux.
Actuellement nous sommes 3 salariés. J’ai un employé à temps plein et un apprenti qui vient de commencer. J'aime continuer à former. Cela veut dire qu'il y a toujours des gens qui se passionnent pour ce genre de métier.
Qu’est-ce que l’on ressent quand on livre un bateau à son propriétaire ?
C’est de l’émotion, de la fierté. Les mises à l’eau sont souvent assez émouvantes. J’essaie de rester calme, serein. Je sais que le bateau va flotter mais il y a toujours une petite appréhension. Et voir tous ces gens qui viennent admirer les bateaux et qui nous félicitent, c’est toujours très agréable.
Pourquoi est-ce que les chantiers se sont implantés en baie de Morlaix ?
Mon grand père était de Trégondern (Saint-Pol-de-Léon) et il est venu travailler dans les chantiers d’Eugène Moguerou à Carantec. Depuis, on n'a pas quitté Carantec.
La baie de Morlaix, c’est un petit nid, un vrai abri, un plan d’eau magnifique, avec des cailloux partout, beaucoup de marnage entre les basses mers et les pleines mers : c’est un régal pour naviguer. Il y a toujours des courants, des contre-courants, des accélérations de vents... Ce sont des bateaux à faible tirant d’eau, magiques pour naviguer dans ces endroits.
Il y a un coin particulier que vous appréciez en baie de Morlaix ?
Il y en a beaucoup ! Il y a quelques îlots rocheux dans le nord de Callot où on est souvent vraiment isolés. On aime bien aller y pique-niquer les jours de beaux temps ou de grandes marées et y pêcher.
Quels sont les projets à venir ?
Cette année, on devrait pouvoir faire un nouveau bateau, un nouveau Cormoran à partir de nouveaux plans, un nouveau moule, une nouvelle construction... un beau bateau, je l’espère. On a aussi un gros chantier à venir : un pont en bois massif à réaliser sur un bateau de 25m, qui va nous occuper une bonne partie de l’année.
Le projet, c'est surtout de continuer à faire des bateaux et de naviguer dessus aussi, éventuellement...