"Du bio, des races locales, la prise en compte du bien-être animal, la qualité des produits"
Pierrick Kerangueven est éleveur de porcs et de vaches allaitantes. Installé depuis 2013 avec ses parents, il a été rejoint par son frère en 2020. Il nous parle de la philosophie de cet élevage familial et de leurs nombreux projets...
Quelle est l'histoire de cette ferme familiale ?
Le GAEC de Kerangueven existe depuis 32 ans, en bio et avec des races locales. Il était précurseur à l'époque puisque mes parents ont choisi de faire de l'agriculture bio et de s'orienter vers la transformation plutôt que vers les systèmes conventionnels. Ils souhaitaient avoir un contact avec leur clientèle en vendant en circuits courts et être libre de faire ce qu'ils voulaient avec leurs produits, de A à Z.
Aujourd'hui, quels sont vos projets ?
Je souhaite développer les circuits courts. Aujourd'hui, on fait de la vente directe sur plusieurs marchés du sud Finistère. Mon frère et moi souhaitons proposer plus de produits transformés. Avoir les retours des clients sur un produit brut, c'est bien, mais avoir des retours sur un produit fini dans l'assiette, c'est encore mieux. Il n'y a rien de tel ! On intéresse et on touche certainement plus de monde une fois que le produit est dans l'assiette.
C'est pour cela que l'on a lancé un projet de vente directe de nos produits à Térénez et une petite offre de restauration. On peut déguster une assiette de charcuterie avec des produits de la ferme. Depuis cette année, mon père a développé l'offre en proposant des crêpes garnies avec nos produits. Utiliser le sarrasin dans les crêpes, un produit breton, était également logique. Nous venons d'ailleurs d'en semer sur notre exploitation pour aller encore plus loin et fabriquer nos crêpes avec notre sarrasin. Et pourquoi pas vendre notre farine...
Cette démarche est assez atypique parce qu'il y a très peu de producteurs locaux qui proposent une offre de restauration, mises à part les cabanes à huîtres. Elle nous permet de faire redécouvrir certains goûts et la typicité des races locales que nous élevons (porc blanc de l'ouest, vaches armoricaines et froment du Léon). La particularité du porc blanc de l'Ouest par exemple est qu'il a beaucoup de gras sur le dos ; c'est le gras noble du cochon. Il n'est pas huileux, assez ferme... On en fait de la graisse salée que l'on appelle beurre de Quimper*, et que les gens de passage apprécient beaucoup.
Quel est l'intérêt d'élever des races anciennes et locales ?
Ce sont des races qui ont été complètement abandonnées alors que l'agriculture se développait, souvent parce qu'elles n'étaient pas adaptées à l'élevage intensif. Traditionnellement le porc blanc était plutôt le cochon que l'on retrouvait dans la cour des fermes ; il est adapté à un élevage en plein air avec une nourriture qui n'est pas très protéique. Il valorise très bien le fourrage, les betteraves... des produits finalement peu coûteux, que l'on peut produire localement.
Comment sont élevés les porcs dans votre ferme ?
Ils sont principalement nourris avec des céréales locales et bios, mélange de triticales (NDLR : céréale hybride entre blé et seigle), pois et féveroles. Ensuite, ils se nourrissent de fourrage dans les prés et on leur apporte également un peu d'herbe en complément.
Nos parcelles ne sont pas vraiment adaptées à la culture de céréales, les terrains sont vallonnés, mais d'autres agriculteurs à proximité cultivent des céréales et le font très bien. Aujourd'hui, on arrive facilement à trouver des céréales bios pour nos animaux.
Les porcs sont élevés principalement en plein air, surtout les reproducteurs. Les cochons sont dans des yourtes et ils ont leurs parcours pour aller dehors, se rouler dans la boue... Ils sont heureux d'être en extérieur. Le bien-être animal est une notion importante pour nous, dans notre métier. Quand on voit que les animaux sont bien, qu'ils s'amusent, à l'extérieur ou dans les bâtiments, ça nous apporte aussi du bien-être.
Qu’est-ce que c'est être agriculteur aujourd’hui ?
Notre GAEC est un peu "hors cadre", différent de l'agriculture majoritaire. On a choisi de rester sur les mêmes bases que celles de nos parents : du bio, des races locales, la prise en compte du bien-être animal, la qualité des produits. Voir nos clients revenir chaque année (nous avons beaucoup de clientèles "saisonnières") nous encourage à poursuivre dans l'esprit que nos parents nous ont transmis.
D'une manière générale, beaucoup reviennent aujourd'hui à des systèmes plus résilients, plus cohérents avec le climat et les paysages qui nous entourent.
* la graisse salée ou beurre de Quimper est une spécialité du sud Finistère fabriquée à partir de gras de porc fondu. On en retrouve dans certaines charcuteries et sur certains marchés de la région.