Un chant du monde en Finistère
Terre vaste, solaire, terre d'inspiration, tonique, la presqu'île de Crozon ne peut laisser indifférent. Elle séduit beaucoup. Et nombreux sont ceux qui peinent à s'en arracher. Les artistes ne s'y sont pas trompés. Ils sont nos meilleurs guides.
Un petit bout de terre aux identités multiples
Terenez, Le passage, Ma-Unan, Trez Bihan, Kraozon, Aulne, The Island, La Forêt, Lanvéoc et La Pointe sont les morceaux qui composent le dernier disque, PenInsular II, de Robin Foster, artiste britannique talentueux qui a élu refuge dans le petit port de Camaret. Comme un fil tendu de clocher en clocher des sept communes* de la presqu'île de Crozon, cette bande son singulière peut être la première approche, inspirée par les vastes horizons, la plus subtile, la plus délicate, la plus planante aussi, de ce bout de terre aux identités multiples.
Île ou presqu'île, la question en taraude plus d'un. Et plus d'un visiteur se sent en terre îlienne, car entouré de mers : la rade de Brest au nord, la baie de Douarnenez au sud, la mer d'Iroise à l'ouest, l'estuaire de l'Aulne à l'est. La géographie est particulière et l'âme des habitants est très clairement insulaire.
De nombreux peintres et écrivains s'y sont tellement plus qu'ils s'y sont posés sur un morceau de prairie, un bout de falaise. Tel le flamboyant Saint-Pol Roux, le Magnifique, poète qui s'était construit son manoir de Coecilian face à l'infini de la mer à Camaret, affrontant les tempêtes et recevant là ses illustres amis, Max Jacob, Victor Segalen, André Breton ou Jean Moulin sous-préfet de Châteaulin en 1932. “Camaret, écrit-il, par ce matin d'été, c'était la beauté, toute la jeunesse du monde sous la féerie claire des voiles. Je sentis que mon destin m'y conduisait, que je n'avais plus le droit de partir… Et j'y suis demeuré au milieu des paysans et des pêcheurs.”
La beauté fascinante des paysages de la presqu'île de Crozon
À chaque recoin, son atmosphère, son état d'esprit. La presqu'île est étendue et ne se donne pas si facilement. Alors quels meilleurs guides que ceux qui la brossent à coups de pinceaux ou qui y trempent leur plume et dessinent ses visages, ses facettes, ses humeurs.
“En ces espaces offerts au vent, au rabot dur des rafales, à tout ce qui arrive du large, d'iode, d'averse, de sel corrosif, on éprouve soudain, écrit Philippe Le Guillou dans Ma Presqu'île, la sensation de la liberté plénière, de l'assentiment magique au chant du monde, à sa beauté, à sa grandeur.” Il évoque dans cet ouvrage la présence face à la baie de Douarnenez du peintre Matthieu Dorval qui entre les tourbières d'Irlande et les mystères de Chine se laisse envahir ici par la beauté fascinante des hautes falaises, de ces lieux ouverts, aux ciels immenses et aux lumières perpétuellement changeantes.
Du côté du paisible bourg de Landévennec, c'est le moine poète Gilles Baudry qui conte à mots choisis son arrivée il y a quelques années : “La petite route sinueuse se rétrécit sous les feuillages et plonge vers l'estuaire où le paysage, soudain, s'offre sur un plateau comme une offrande incomparable, inattendue, imméritée.”
Terre de forts contrastes, la presqu'île est multiple. Les amoureux de la nature s'y plongent avec joie et éblouissement arpentant les longues plages de sable fin, crapahutant sur les sentiers côtiers, partant à la découverte des richesses géologiques.
L'été, des milliers de mélomanes se rassemblent à l'écoute des notes des musiciens venus enchanter Le Festival du Bout du monde devenu fameux et jouant chaque année à guichets fermés. “La fadeur n'existe pas ici…”, écrivait Henri Queffélec, quant à lui, épris de Morgat.
* Camaret, Roscanvel, Crozon, Lanvéoc, Argol, Telgruc, Landévennec.