Un voyage à travers le temps
"Le train coupe les routes et les chemins sans autre forme de procès. Il brinquebale à la lisière des champs. Au bas de la levée qui porte le chemin de fer, il y a toujours quelque petit vacher à plat ventre qui ouvre la bouche sur neuf heures, quelques fillettes aux bras chargés de digitales qui rougissent de confusion. Le cheval noir siffle pour leur faire plaisir autant que pour avertir je ne sais qui de je ne sais quoi...". C'est ainsi que Pierre Jakez Hélias dans Le Cheval d'Orgueil nous décrit le "Train carottes", symbole de ces petites lignes pittoresques qui parcouraient le Finistère au début du XXe siècle.
Dès leur création, les habitants, artisans, commerçants ou agriculteurs s’approprient les nombreux petits trains départementaux, qui rythment désormais leur quotidien. Moyen de déplacement sur de courts trajets, ces petits trains permettaient également le transport d’aliments et de marchandises. Sillonant la campagne finistérienne, ils faisaient partie du paysage au point que les habitants leur donnaient de petits surnoms affectifs...
Carottes, patates & Co
Plus à l'est, le "train patate », lui, parcourait plus de 136 km pour assurer la liaison entre Rosporden et Plouescat. 24 gares à desservir, ce n’est pas rien ! Les cheminots étaient parfois obligés d'ajouter des wagons en cas d'affluence, ce qui était souvent le cas les jours de foires. Son arrivée en gare était d'ailleurs très populaire, surtout le dimanche. Une fois la nuit tombée, on pouvait apercevoir son ombre s’approcher petit à petit avant qu'il ne dépose ses heureux passagers sur le quai de la gare...
Ces petits trains d'intérêt local ou départemental avaient une durée de vie relativement courte (souvent une vingtaine d'années). Le "train youtar" fait figure d'exception puisqu'il a circulé pendant une cinquantaine d'années. Là encore, son petit nom fait référence aux papilles : il signifie "mangeur de bouillies" en breton, rappelant la surcharge de marchandises et de voyageurs qui le freinait dans les côtes du Cap Sizun.
Les accidents, les retards, l'inconfort... Tous ces défauts n'ont pas entamé les liens tissés par les Finistériens avec leurs petites lignes ferroviaires. Les petites habitudes des uns et des autres d'ailleurs étaient réglées à l’heure du train. Si le train était en retard, toute la journée était impactée !
Après le réaménagement des lignes ferroviaires et la disparition de la majorité d’entre elles, les habitants ont alors dû changer leurs habitudes et s’adapter aux nouveaux moyens de transports (autocars notamment). Ils ont, sûrement, dû trouver une nouvelle référence pour régler leurs montres : choisir le clocher de l’église cette fois-ci ne serait pas une mauvaise idée !
Pour en savoir plus : Serge Duigou a écrit plusieurs ouvrages sur ces petites lignes pittoresques (éditions Ressac).