Entre Manche et Atlantique
Depuis les Phéniciens, l'Aber Wrac'h est un port de passage. Anglais, Hollandais, Belges ou Suédois écument volontiers les parages, la vaste baie où ils viennent s'abriter. L'Aber Wrach est sans conteste une escale de choix, l'un des rares ports en eau profonde du nord-ouest de la Bretagne.
Le fjord breton
Du large, nous peinons à entrevoir, à travers la barrière de récifs, l'entrée du bras de mer. Par grand frais en heurtant le plateau du Libenter, les vagues libèrent leur écume. Les îlots de Stagadon, de la Croix, de Cézon renforcent cette digue naturelle. Une fois celle-ci franchie, nous nous retrouvons en eaux calmes où papillonnent tranquilles les voiles des planches, des optimists et autres dériveurs du Centre de voile de l'Aber Wrac'h, localement connu comme le CVL. Haut lieu de l'apprentissage de la navigation, l'Aber Wrac'h est aussi l'un des havres préférés des coureurs du Tourduf ! C'est en fin d'après-midi que nous nous amarrons aux pontons du troisième port de l'ouest, inauguré en 2007 par Jane Birkin. L'heure est idéale pour aller boire un verre à l'Escale, institution locale, bistrot de marins où se retrouvent au coude à coude tourdumondistes, moniteurs de voile, plaisanciers, mousses des voiliers du regretté Père Jaouen… Le soir venu, on dîne au restaurant Le Vioben. Les produits de la mer, issus d'une pêche locale, sont préparés sous la houlette du chef Yvon Morvan, œuvrant anciennement au restaurant étoilé l'Armen à Brest.
Le lendemain, bon pied, bon œil, nous nous apprêtons à parcourir 22 kilomètres afin de découvrir à la fois les petits chemins sillonnant l'intérieur des terres et le rivage. Petite halte à l'Entre-Mer, une fumerie de poissons à la manière des pays nordiques, créée par des Néerlandais. Nous nous y fournissons en plats à emporter et à déguster lors de notre escapade de la journée. Après avoir battu la campagne de Landéda, et avoir croisé la chapelle de Troménec, on parvient aux rives abritées de l'Aber Benoît. C'est ici, à Prat-Ar-Coum, en ce point de rencontre entre l'eau douce de la rivière et l'océan que se situent les viviers éponymes, haut-lieu de l'ostréiculture depuis 1898, tenus par la famille Madec. En face, côté sud, le bourg de Saint-Pabu, étagé à flanc de coteau, se mire dans les flots.
Quelques foulées plus loin, le sable chaud, fin et blanc, de l'anse de Brouennou nous tente bien, nous prenons place et dégustons les mets de l'Entre-Mer, le regard perdu sur l'horizon et sur l'île Garo qui nous fait face. Cap vers les dunes de Sainte-Marguerite plantées d'oyats, de chardons bleus, d'orchidées sauvages, et ourlées de récifs. Autrefois domaine des goémoniers qui faisaient sécher les algues sur le sable, le massif dunaire est devenu un lieu de promenade et de contemplation, d'activités nautiques également. Les kitesurfers s'en donnent à cœur joie ! Belle vue plein ouest sur les îles Guennioc et Tariec.
Passé la pointe de Penn Enez, le phare de l'île Vierge, le plus haut d'Europe, s'esquisse. La nuit son faisceau balaie les environs, un éclat blanc familier et rassurant, repère précieux pour les marins. Au ras de l'eau, un pabouk, petit voilier de 3,60 mètres, louvoie d'île en rocher, il atteint bientôt l'île Stagadon. Le kayak se prête aussi formidablement au rase-cailloux. Une côte déchiquetée, animée, un labyrinthe de roches dont il est plaisant de se jouer. On longe le site, la base, de l'association Les amis de Jeudi Dimanche du Père Jaouen. Et bientôt l'on perçoit au loin le port si chaleureux aux tavernes et aux bonnes tables où il fera bon ce soir se requinquer avant de hisser les voiles demain à l'aube.