Le Finistère ? C'est un lieu qui me ressource au quotidien !
Directeur technique de l'École de Surf de Bretagne (ESB), amoureux de son territoire, Ronan Chatain est une figure emblématique de la glisse en pays bigouden. Il nous parle avec passion des paysages qui l'entourent et de sa volonté de mettre à l'honneur La Torche comme haut lieu de la glisse.
Retrouvez le portrait vidéo de Ronan Chatain.
Voici des extraits de son interview exclusive.
Quel est votre parcours ?
Je suis né en région parisienne, mais je suis arrivé à la Pointe de la Torche à l'âge de 3 ans avec mes parents. J’ai grandi ici, derrière les dunes et sur la plage. Après le bac, j’ai passé le brevet d’état de surf, en 92. J’avais décidé de faire du ski l’hiver, donc j’alternais les saisons. Et rapidement je suis revenu à mes premières amours : l’océan et la Pointe de la Torche.
Comment avez-vous commencé le surf ?
J’ai commencé par la planche à voile, au début des années 80. Rapidement je suis venu faire de la planche dans les vagues à la Torche, et les jours sans vent, j’ai découvert le surf. Assez naturellement je me suis mis au surf, et petit à petit ça a pris le pas sur l’ensemble des activités que je pratiquais. Mais j’ai toujours aussi pratiqué la voile, j’ai commencé par ça. Enfant j’étais à l’école de voile de l’île Tudy. Finalement le surf ne m’a jamais quitté depuis plus de trente ans maintenant.
Comment a démarré l'École de Surf de Bretagne ?
C’est une aventure humaine, une aventure collective. J'ai fondé l'école en 1994 avec mon camarade Didier Tirilly. C’est la rencontre de 2 passionnés qui a fait émerger ce projet à la pointe de la Torche. Nous étions les deux premiers moniteurs de surf bretons et nous avions le désir de partager cette activité et de tenter de vivre de notre passion.
Mais l’École de surf de Bretagne c’est aujourd’hui un réseau régional qui regroupe 9 structures sur 3 départements, de Perros Guirec à la presqu’île de Quiberon. C’est un collectif de passionnés, de gens qui partagent la même fibre, les mêmes valeurs, autour de la transmission, de l’enseignement, de la volonté de s’approprier cet environnement et de le vivre le plus intensément possible, avec passion.
S'installer à La torche c'était une évidence ?
Le surf nous a permis de voyager et on a très vite senti qu’il y avait un potentiel important par la qualité et la régularité des vagues que l’on trouve à La Torche. [...] Le surf était beaucoup plus développé en Cornouaille anglaise par exemple, avec une pratique à l’année, avec un climat qui est peut être plus rude qu’ici. On s’est dit que ce n’était pas une question de climat mais bien une question de culture et de rapport à l’océan et ça nous a convaincu qu’il fallait le faire.
Et ce rapport à l’océan, il était présent en pays bigouden, il fallait juste le développer ?
C est ça. C’est vrai qu’au début, ça paraissait un peu décalé quand on a monté une école de surf, parce que ça n’existait pas. Mais depuis plusieurs décennies, les écoles de voile et la pratique sportive et de loisir sur l’océan étaient déjà bien en place. Le surf s’est imposé à nous en fait.
Au-delà de l'école, de grands événements se déroulent ici...
Il y a eu pendant une quinzaine d’années des étapes de la Coupe du monde de windsurf, dans les années 80 et jusqu’en 96. J’étais encore adolescent, mais c’est vrai que ces événements sont encore dans les mémoires ici. C’était des moments assez intenses qui ont marqué les esprits, qui nous ont tous fait rêver quand on était jeunes. Et le désir de renouer avec des événements de grandes envergures autour des sports de glisse, c’était quelque chose d’essentiel et de vital pour le territoire.
Avant les années 2000, il y a eu des plusieurs compétitions importantes, notamment avec l'E.P.S.A. (European Professional Surfing Association), des Coupes d’Europe de surf, sous l’impulsion de Kanabeach (NDLR : marque finistérienne de vêtements), qui était vraiment la marque qui a porté le développement du surf dans ces années là.
Et puis on a organisé plusieurs Coupes de France de surf [...]. il y a eu les Championnats de France de surf en 2006 à la Pointe de la Torche. Et puis en 2011, la première coupe du monde de stand up paddle, de paddle surf dans les vagues, qu’on a renouvelé pendant 4 années d’affilée jusqu’en 2014. C’était des moments assez magiques, on a eu tous les types de conditions. Et on se rappelle de l’édition 2013, qui s’est déroulée à Pors Carn dans des conditions vraiment solides ; Kay Lenny nous disait : « C’est vraiment incroyable on se croirait à Sunset » qui est une célèbre vague du North shore sur l’île de Oahu à Hawaï. L’année d’avant, Robby Naish était revenu, c’était aussi un moment important. Avec une certaine émotion, il nous disait que c’était incroyable de revenir dans un lieu comme la Torche qui, 20 ans après, n’a pas changé, est resté hyper préservé ; il y a peu de lieux au monde qui ont cette qualité environnementale.
La Torche est en effet un espace protégé, classé natura 2000...
Oui, c’est une vraie valeur ajoutée d’avoir un environnement préservé, protégé par le Conservatoire du littoral. Cela permet de garder ce lieu authentique, préservé, très peu urbanisé [...] et il faut absolument le garder comme ça pour les générations futures.
L'ESB est également partenaire du Pôle Espoir surf de Pont L'Abbé...
Depuis 2001, il y a une filière d’accès au haut niveau qui a émergé en Bretagne, sous la houlette de la Ligue de surf de Bretagne, qui est un service déconcentré de la fédération. Ce Pôle espoir il est le CLE (Centre labellisé d’entrainement) ; c’est une filière d’excellence qui est basée à Pont l’abbé (au collège et au lycée Laënnec). Les entraînements se passent à la Pointe de la Torche et en baie d’Audierne, et l’encadrement technique est assuré par les entraîneurs de l’ESB.
C'est aussi l'occasion de transmettre un savoir-faire aux nouvelles générations ?
Clairement oui. On est tous quelque part un peu les héritiers de quelqu'un ; tous les pratiquants ont eu à un moment un mentor, quelqu’un qui les a porté, aidé, qui leur a donné les clés de la pratique qui sont d’ailleurs de deux sortes : d’un côté la technique et de l'autre, la connaissance du milieu, le développement du sens marin. C’est d’ailleurs une des caractéristiques du surfeur breton : savoir bien s’adapter à des conditions différentes, changeantes.
Et c’est également accompagner des jeunes dans la gestion d’un double projet qui consiste d’abord à faire une scolarité la plus brillante possible tout en développant un projet sportif en parallèle lié à la performance en compétition. Le niveau monte d’année en année. Aujourd’hui, les meilleurs athlètes bretons suivent le circuit Pro junior, qui est un circuit européen qui regroupe les meilleurs athlètes du continent. Et l’ambition est de se qualifier pour la finale mondiale et peut-être de faire une carrière professionnelle pour certains ensuite.
Parlez-nous du Pro Junior La Torche...
C’est un événement qui correspond tout à fait au développement du surf en bretagne et au niveau actuel des jeunes. Il va regrouper à peu près 150 athlètes, filles et garçons, de moins de 18 ans qui viennent des 4 coins de l’Europe. L’ouverture de la saison se fait au Portugal avec 2 épreuves [...]. Et la troisième étape, c’est ici à la Pointe de la Torche. C’est la deuxième année consécutive où l’on produit cet événement. L’ambition est bien sûr de le pérenniser et de le développer parce que, comme on le sait, le surf devient une discipline olympique, et avec l’enjeu de Paris 2024, peut-être que les Bretons qui performent aujourd'hui sur le circuit Pro junior seront dans l’équipe olympique de demain.
Que représente le Finistère pour vous ?
Le Finistère, c’est mes racines, c’est vraiment le lieu où j’ai grandi. C’est un lieu qui me ressource au quotidien. Je ne me lasse pas de cet environnement. Il change chaque jour, les lumières changent, l’intensité des éléments… l’océan est quelque chose de vivant, qui nourrit. Je crois que je ne pourrais juste pas m’en passer…
Un autre spot préféré en Finistère ?
Il y a beaucoup de spots en baie d’Audierne. La baie a une configuration vraiment intéressante. Sur 45 km, c’est une baie en arc de cercle, quasiment l’équivalent du pays basque en superficie. On peut y surfer avec des conditions de vent et de houle qui y sont très différentes, si bien qu’on peut y surfer au quotidien toute l’année. Mais pour répondre précisément à cette question, le lieu que j’apprécie particulièrement n’est pas très loin d’ici, au sud ouest du phare d’Eckmühl, entre la pointe de Penmarc’h et les roches des Étocs. Il y a des « basses », des dalles de roches qui sont plutôt larges, et qui reçoivent parfois l’hiver de très grosses houles avec des vagues d’une qualité rare.
Que diriez-vous à un enfant de 8 ans qui hésite à se mettre au surf ou au paddle ?
Il faut foncer parce que le terrain de jeu est là, il est accessible, et que c’est une activité qui est accessible à tous et que c’est un moyen de s’approprier son environnement et... euh, non, ça, c’est pour un ado... À un enfant de 8 ans, je dirais : « viens tester, tu vas voir, on va bien rigoler ».