Rencontre avec Solenn Douguet, dans le pays des abers
Directrice enfance-jeunesse à la mairie de Plouguerneau, Solenn Douguet coordonne avec enthousiasme le projet alimentaire de territoire. Par cette dynamique qui répond à des enjeux sociétaux forts, Plouguerneau se distingue dans le grand Ouest.
Comment a germé l'idée de participer activement à la sensibilisation au “bien manger” à la cantine et à l'anti-gaspillage ?
Augmenter la part de bio et de produits locaux dans l'assiette des enfants était une volonté politique déjà affichée lors du précédent mandat. Nous avons dès lors retravaillé les marchés publics en ce sens. Notre cuisine centrale, qui est en régie municipale, dessert les cinq écoles plouguernéennes, et délivre aussi des repas au centre de loisirs de Plouguerneau ainsi qu'à celui de Guisseny, à notre crèche municipale, et au CCAS (Centre communal d'action sociale).
Dans le cadre du projet enfance-jeunesse, nous avons écrit en 2018-2019 un projet pédagogique du temps méridien à l'école. Car il s'agit là de notre moment d'intervention privilégié. Deux objectifs ont été fixés qui correspondent à l'éducation au bien manger et à la réduction du gaspillage alimentaire.
Le conseil municipal a validé ce projet en septembre 2019. Depuis, avec le concours des agents du temps méridien, nous mettons en place des activités comme des plantations dans des carrés potagers, ou pour les plus petits une fleur alimentaire à colorier.
En gaspillage alimentaire, nous avons effectué un premier diagnostic en 2017. Les chiffres étaient assez conformes à ceux de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), à savoir 120 à 130 grammes de déchets par assiette. Nous avons alors été accompagnés par les associations Aux goûts du jour et Vert le jardin, pour la mise en place notamment de composteurs dans les écoles. C'est à peu près, au même moment, que la décision a été prise de construire une nouvelle cuisine centrale destinée à fournir jusqu'à 1000 repas par jour.
Depuis début 2019, nous avons instauré un comité de restauration scolaire composé de parents référents pour chacune des écoles de la commune. Nous nous retrouvons cinq fois par an pour discuter des projets. Ils sont particulièrement investis et concernés par l'alimentation de leurs enfants.
Vous avez établi récemment un solide partenariat avec Mouans-Sartoux, ville pionnière sur ces sujets en France. En quoi cette commune est-elle source d'inspiration ?
Pour assurer la transition écologique, sociale et notamment alimentaire, la ville de Mouans-Sartoux a fait le choix de partager son expérience et d’essaimer ses bonnes pratiques. Pour ce faire, elle a lancé en octobre 2019 le réseau “Cantines Durables – Territoires Engagés” qui regroupe neuf collectivités françaises issues de huit régions différentes. L'objectif de ce réseau est de réunir des collectivités qui ont une sensibilité à l'alimentation durable, de partager leur savoir-faire, d'accompagner les collectivités partenaires pendant deux ans dans la mise en place de leur projet alimentaire en s’appuyant sur le levier de la restauration collective. La volonté du réseau, c'est de nous faire part de leurs expériences, de leurs bonnes idées, de leurs bonnes pratiques afin que l'on puisse les mettre à profit. Ils nous aident ainsi à atteindre les objectifs de la loi Egalim* de 2018. Toutes les restaurations collectives doivent atteindre 50 % de produits durables et de qualité dans leur approvisionnement, dont 20 % de bio pour janvier 2022.
Notre ambition, c'est que notre projet alimentaire de territoire s'articule bien à l'échelle de la communauté de communes du pays des Abers qui est en pleine élaboration de son plan climat-air-énergie territorial.
Parvenez-vous à vous fournir auprès des producteurs locaux ?
Nous travaillons en effet avec quelques producteurs locaux pour l'approvisionnement en légumes bio, en pain bio, il y a également du poulet de plein air et du veau bio. D'autre part, nous consultons une plate-forme gérée par le conseil départemental du Finistère, la plate-forme Agrilocal qui permet de favoriser les circuits courts en référençant l'offre des producteurs locaux aptes à fournir la restauration collective.
Dans le but d'effectuer un diagnostic agricole et alimentaire de notre territoire, nous avons recruté, pendant six mois, une stagiaire issue de l'institut de formation agricole Montpellier SupAgro. Nous avons élargi notre cœur de métier, qui est la restauration scolaire, pour comprendre quel est le système alimentaire du territoire de Plouguerneau. À présent, nous allons élaborer avec la population le plan d'action de notre projet alimentaire du territoire.
Potentiellement, il semble intéressant d'engager une réflexion sur le foncier agricole, nous avons un territoire faiblement doté en surfaces agricoles bio vis à vis de la moyenne régionale. C'est une des pistes qui restera à valider en concertation avec la population.
Les actions incitant à la réduction du gaspillage alimentaire ont-elles commencé à porter leurs fruits ?
Outre l'affichage des menus dans les cantines, nous avons aussi mis en place, avec les équipes des agents de cantine, un petit temps avant le service où sont expliquées les spécificités du plat, et d'où proviennent les aliments. En prenant exemple sur Mouans-Sartoux, depuis cet automne, nous effectuons des pesées quotidiennes. L'idée c'est d'impliquer les enfants sur ce qui est jeté et non consommé. Le chef de restauration scolaire fait ensuite le point pour savoir ce qui n'a pas fonctionné et pour quelles raisons. Lors de nos pesées à la fin de l'année 2020, nous avons comptabilisé une moyenne de 60-70 grammes de déchets par assiette, la moitié moins par rapport à 2017.
À Plouguerneau, vous êtes également engagés dans le défi des Foyers à alimentation positive (FAAP). De quoi s'agit-il ?
L'alimentation durable est aujourd'hui un sujet très porteur. Les collectivités les familles, les chercheurs, les producteurs, les restaurateurs s'y intéressent. Nous nous sommes engagés à essaimer nos bonnes pratiques. L'objectif de ce défi est de démontrer de manière conviviale que l'on peut avoir une alimentation savoureuse, bio et locale sans augmenter son budget alimentaire. Après avoir été formés par la Maison de la Bio 29, nous avons lancé la communication et l'élaboration du programme du défi FAAP. Mais nous avons récemment pris la décision de le reporter à septembre 2021 et d'étaler la période jusqu'à juillet 2022, parce que nous souhaitons favoriser les rencontres, les échanges. Nous organiserons des visites de fermes, une conférence sur la nutrition, un atelier cuisine avec l'association Le Petit caillou et de nombreux autres ateliers.
*Loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous