"Le Finistère, une terre où l'on peut avoir un million de projets"
Sylvie Joncour travaille le cuir au Guilvinec depuis plus de 3 ans et demi. De sa passion, venue de l'équitation, elle a fait un métier. Elle a fait le choix de partager sa passion en ouvrant à côté de son atelier la boutique "les Arts secrets" dans laquelle elle accueille d'autres créateurs.
Quel est votre parcours ?
Je suis née à Antibes, d’un père bigouden né à Plonéour-Lanvern. Et de venir tous les étés pendant mon adolescence, ça a suffi à me donner envie de venir vivre définitivement à Treffiagat-Guilvinec et donc de m’y établir depuis mes 18 ans.
Je voulais travailler dans le milieu du cheval, être monitrice d’équitation ; je travaillais déjà le cuir pour le plaisir. Avant de prendre cette grande décision de m’installer comme artisane, j’ai fait de la comptabilité pendant 20 ans. J’ai été assistante vétérinaire également pendant 6 ans. Tout en continuant à travailler le cuir pendant mon temps libre.
Quel rapport entretenez-vous avec le cuir ?
J’ai toujours aimé le cuir, le connaissant depuis toute petite. Mes grands-parents se servaient d’objets en cuir, d’étuis à jumelles, de toute sorte d’objets en cuir... J’ai toujours eu un grand respect pour cette matière dont l'homme se sert depuis toujours. Le cuir peut durer des décennies s’il est bien préparé, bien entretenu.
J’ai véritablement découvert le cuir parce que je montais à cheval. Ma passion du cheval m’a amenée très tôt à manipuler des objets en cuir, que ce soit des brides, des selles, des étrivières... Toute petite, on devait déjà entretenir le cuir dans l’écurie : le nettoyer, le démonter et les nettoyer avec du savon glycériné. C’était l’occasion de moments de grande convivialité entre les cavaliers du club. Ma première sensation a été celle-là, celle de la matière qui a été déjà travaillée par quelqu’un, utilisée jusqu’à la fin par les cavaliers, les meneurs d’attelage... C’est une matière qui m’a tout de suite passionnée.
Aujourd'hui, je travaille à partir de peaux entières (en tout cas de grands morceaux de peaux). Je découpe les morceaux dont j’ai besoin et je les travaille à la main de A à Z, y compris la couture du cuir.
Je ne teins pas le cuir. J’ai des techniques de travail qui sont différentes selon le cuir de départ. Il y a du cuir au tannage végétal qui va être coloré par mes soins avec éventuellement des teintures à l’eau pour rester sur un produit le plus écologique possible ; je vais également travailler des cuirs au tannage minéral. Celui-ci est vendu déjà coloré. Il ne se travaille pas de la même façon non plus.
De quelle manière le Finistère est pour vous une terre de création ?
Je me suis rendue compte en arrivant en Bretagne que la région offrait beaucoup, beaucoup de possibilités pour les artistes et les artisans d’art. Me promenant beaucoup à cheval dans la région, j’ai découvert des créateurs de gargouilles, des sculpteurs de bois... Et effectivement je me suis toujours sentie sur une terre de création, de créateurs. Ma soeur était passionnée d’art elle-même, créatrice de poterie ; elle s’est essayée à différentes activités. Effectivement, elle trouvait beaucoup d’inspiration quand elle venait en Finistère, qu’on y passait nos vacances... Elle a été certainement un peu l’initiatrice de ma passion pour l’art.
Est-ce qu'il y a une relation entre le travail des peaux de poissons et le fait que vous soyez dans un port connu et reconnu ?
Je travaille la peau d’esturgeon qui est une peau assez épaisse, pas forcément très souple mais qui offre beaucoup de choix de couleurs, du saumon, qui est plus fin que l’esturgeon, que je vais travailler différemment, de la carpe et enfin de la julienne, qui vient du Guilvinec (le tanneur me le certifie à chaque fois que je me fournis chez lui). Je suis contente de pouvoir proposer, dans une ville qui est riche de son poisson, du travail en peau de poisson.
Vous gérez aussi une boutique d’artisanat d’art. Est-ce une façon de faire découvrir d’autres talents ?
Au départ, j'avais envie de réunir des gens comme moi qui étaient passionnés par leur métier, qui avaient peut-être besoin d’une structure pour se développer, se faire connaître et leur permettre de passer du temps dans leurs ateliers respectifs. La création de la boutique avec mon atelier sur place permet une ouverture l’année. Les autres créateurs ont ainsi la possibilité de se développer personnellement et professionnellement sur Le Guilvinec, qui est une belle ville pour accueillir les artisans d’art.
L’idée de la boutique est de créer un espace de promenade pour les gens. Une promenade dans les arts secrets qui pour moi correspondent aussi aux arts musicaux. C’est pour cela que l’on trouve un piano en libre accès dans la boutique. Je souhaitait un lieu convivial où les gens ont envie de venir, de revenir, de regarder, de se faire plaisir, d’acheter ou pas.
Faites-vous beaucoup de rencontres au travers de votre activité ?
Les gens qui passent par la boutique sont toujours contents de découvrir différentes créations, parfois même émerveillés parce que leur sensibilité va être touchée par l’une ou l’autre des créations. Côté cuir, je travaille sur commande beaucoup ; ma relation avec les gens se base sur la confiance : c’est à moi de comprendre leur demande, d’essayer d’atteindre leur objectif.
Je prends du plaisir à partager la création. Pour une personne qui va souhaiter une housse de téléphone aux couleurs du pays bigouden, je vais lui proposer différentes matières, différents cuirs puisqu’il m’arrive de panacher les cuirs de bovins, les cuirs d’agneaux, les cuirs de chèvre, afin d’obtenir l’objet désiré.
Vous êtes ambassadrice de la marque Tout commence en Finistère. Est-ce que cela revêt un sens particulier pour vous ?
Oui, tout à fait. J’ai toujours été fière d’arborer l’autocollant Tout commence en Finistère parce qu'effectivement, pour moi, tout commence en Finistère. J’ai quitté la Côte-d’Azur pour le Finistère. Et c’est vraiment ici la terre sur laquelle on se sent bien, où on peut, je pense, avoir un million de projets. Être ambassadrice de la marque est une fierté pour moi.